Pourquoi le rêve éveillé libre n’est pas une thérapie comme les autres ?

par | Oct 10, 2025 | Thérapie par le REL | 0 commentaires

Le rêve éveillé libre n’est pas une thérapie comme les autres

« Ce n’est pas une thérapie comme les autres. »1

Voilà ce que j’entends quasi systématiquement dans mon cabinet, dans mes échanges avec mes patients.

C’est aussi ce que je me suis dit lorsque j’ai expérimenté moi-même le rêve éveillé libre, dans ma propre cure.

Beaucoup de patients viennent au rêve éveillé libre après avoir fait de nombreux essais thérapeutiques, divers et variés, voire, très souvent, après une véritable errance thérapeutique.

Le rêve éveillé libre est une thérapie somme toute assez récente, et encore peu diffusée. Il surprend, déstabilise parfois, mais offre une expérience différente et profonde.

La plupart de nos patients découvrent une approche qui tranche avec leurs expériences antérieures : la thérapie en face à face, basée sur un échange verbal.

  • Certains sont déstabilisés, jusqu’à ce que les premiers résultats se fassent sentir (il faut compter quelques rêves pour beaucoup d’entre eux, en moyenne entre 5 et 8, sachant que chaque parcours est unique et que certains peuvent avoir besoin de plus de temps) ;
  • d’autres sont d’emblée conquis et ressentent immédiatement qu’ils ont trouvé une pépite, un chemin qu’ils n’osaient plus espérer ; d’autres, enfin, sont très touchés par ce qu’ils vivent en séance et, même si ils ne ressentent pas encore les bienfaits de cette thérapie, restent en cure parce que cet accueil, justement, est différent, complètement différent des autres essais thérapeutiques qu’ils ont fait.
  • Le taux d’alliance thérapeutique est généralement élevé, même si, comme toute thérapie, le rêve éveillé libre ne convient pas à tout le monde.
  • Les arrêts brutaux peuvent être liés à la clinique du psychotraumatisme, mais parfois aussi à d’autres facteurs : un manque de disponibilité psychique à ce moment-là, une méthode qui ne correspond finalement pas à la personne, ou des raisons pratiques. Ce sont souvent ces personnes-là que l’on revoit ensuite dans nos cabinets, du fait de la qualité de l’alliance thérapeutique.

Alors, qu’est-ce qui fait que le rêve éveillé libre est différent ?

pas une thérapie comme les autres

1. Le rêve éveillé libre dit en image ce qu’on ne peut pas encore dire en mots

« Laissez un nourrisson pleurer. Le traumatisme commence ici »

dit Gabor Maté. La thérapie par le rêve éveillé libre ne sous-estime pas la place du traumatisme ; elle permet sa mise en mots.

Beaucoup de personnes feraient bien une thérapie mais hésitent à replonger dans leur blessure. Témoigner des tourments de leur vie devant une personne, en l’occurrence un thérapeute, c’est les faire exister et cela est bien souvent insoutenable.

Le mécanisme même de l’amnésie traumatique protège notre cerveau conscient des rappels des effractions subies et nous dissuade de consulter alors que, par ailleurs, la souffrance se manifeste dans nos vies.

Durant le rêve éveillé libre, l’inconscient va dire en image ce qui a été de l’ordre du traumatisme.

A ce stade, il est utile de préciser qu’il ne s’agira pas d’images horribles, intolérables ou profondément effrayantes. L’inconscient délivrera progressivement ses messages par des symboles qui peuvent paraître aussi anodins qu’une marguerite ou un tournesol…

« Je n’aurais jamais été capable de vous parler de ce que j’ai vécu durant viol sans ce rêve »

Le conscient s’appropriera à son rythme ce langage et scellera, toujours à son rythme, l’union entre l’inconscient et lui-même. C’est un langage d’amour, pour ainsi dire, et non pas une communication brutale qui assomment des vérités déniées dont on va violemment prendre conscience.

Non ! Même quand la prise de conscience surgit et que les émotions reviennent à la vie, l’inconscient a pris soin, au préalable, de nous investir de la force de faire cette traversée pour notre plus grand bien.

Le rêve éveillé libre, par la restructuration neuronale qu’il implique, va toujours dans le sens de notre construction, de notre homéostasie, et non de notre anéantissement.

2. Le silence habité

Dans le rêve éveillé libre, le thérapeute ne guide pas, ne dirige pas, ne commente pas durant le temps de rêve de la patiente ou du patient.

C’est cela qui désoriente : le patient n’est plus dans une relation d’échange verbal, d’interprétation immédiate ou de validation intellectuelle. Il est son propre guérisseur même si il ne le sait pas encore.

Bien sûr, l’échange a toute sa place en première partie de séance (l’accueil) et durant la phase de co-création qui suit le rêve.

Du point de vue de la restructuration neuronale, on pourrait se satisfaire uniquement du rêve ; là s’opère la transformation tant attendue.

La phase d’accueil et celle de co-création participent toutefois au travail thérapeutique tant par la présence et la parole congruentes du thérapeute que par la satisfaction du besoin de mettre en mot ce qu’elle traverse par la personne consultante. Ces deux phases ne sont, bien sûr, pas à négliger.

Cependant, le silence du thérapeute durant le temps de rêve crée un espace où l’inconscient peut se dire par images. C’est sans doute pour beaucoup la première fois que l’inconscient reçoit une telle écoute, un tel accueil.

On pourrait dire : ce n’est pas une thérapie qui « parle » de l’inconscient, c’est une thérapie où l’inconscient parle lui-même.

Seront ainsi livrés tous les ressentis et émotions inscrits dans le pré-verbal et la mémoire auxquels nous n’avions plus accès ; ce qui nous a permis un jour d’aller de l’avant est aussi parfois ce qui nous retient dans le passé en réactualisant sans cesse symboliquement le passé traumatique.

3. Le rôle du thérapeute : présence et confiance

Par sa présence et sa confiance dans le processus du rêve éveillé, l’accompagnant devient gardien du passage : il veille et il accueille. Il ne façonne pas, mais se met au rythme de l’inconscient guérisseur de l’accompagné.

Pour le patient, cette absence d’intervention peut d’abord être déroutante. Beaucoup posent la question de savoir si ils vont vraiment pouvoir rêver, si cette compétence qui paraît tant énigmatique au départ leur appartient réellement.

La qualité de psychopédagogue du thérapeute a ici toute sa place pour expliquer, guider les tous premiers départs de rêve. Vous connaissez certainement le dicton : « Chassez le naturel, il revient au galop », une expression populaire qui a toute sa place dans le rêve éveillé libre qui recrée le lien entre notre nature première et la personne que nous sommes devenue par la traversée des événements de notre vie.

« Au cours du rêve éveillé l’allègement des contraintes exercées par la volonté consciente restitue à l’influx nerveux la liberté d’accomplir une progression vers l’état de préférence de la nature, c’est-à-dire l’état de réalisation maximum, dirigé vers l’aboutissement de l’être total. » (Romey, 2019, p. 34)

Cette absence d’intervention dans le rêve éveillé libre est en réalité pleine de présence : elle ouvre la voie à l’autonomie psychique, à la rencontre avec soi-même sans médiation.

Le rêve éveillé libre est à l’opposé d’une infantilisation où l’on vous dit quoi penser, quoi ressentir, quel principe domine votre psyché à cet instant précis.

La troisième phase, de co-création, est là pour mettre en mot ce qui a besoin de l’être afin de sécuriser le mental.

Cette démarche y trouve naturellement sa place :

« Je ne comprends pas ce que cela veut dire »

« C’était étrange ».

Au fil des séances, quelque chose s’apaise : les images deviennent familières, les émotions trouvent leur place, la confiance s’installe. Ce qui, au départ, paraissait flou prend sens peu à peu, comme une étoile qu’on voit briller et qui nous guide dans la traversée de notre obscurité la plus fondamentale.

4. Le rapport à la temporalité : lenteur et transformation

Le rêve éveillé libre n’agit pas forcément par insight immédiat, mais par la réanimation du réseau neuronal impacté par les événements difficiles de votre vie, par tous ces événements qui ont entravé un développement libre de notre personnalité.

Le franchissement d’un seuil, cher à Georges Romey, exprime la modification d’une position neuronale majeure qui conditionnait les relations de la rêveuse ou du rêveur, en lui faisant emprunter toujours les mêmes « autoroutes neuronales ». L’influx nerveux retrouvent les chemins des sentiers abandonnés depuis trop longtemps.

Ce processus peut être comparé à celui de la germination des graines dans la forêt de notre inconscient. Un temps d’ensemencement et de dormance est nécessaire. Le rêve éveillé libre travaille dans le temps, comme une graine sous terre. La pousse ne vient à la lumière qu’après avoir été arrosée et encouragée par le soleil.

Nous visitons la forêt de notre inconscient de rêve en rêve et tout est significatif : de la clairière traversée par la biche et son petit, au lac gelé que la fonte des glaces va bientôt réanimer… en passant par l’herbe coupée qui repousse enfin, et, summum de la beauté, la rêveuse (oui, car ce phénomène surgit spontanément chez les rêveuses) qui devient la mousse pleine de vie de l’humus forestier…

Nous sommes un paysage.

Nous sommes une terre, inépuisable, qui reverdit malgré les incendies, les ouragans et les tremblements de terre. C’est le temps de notre nature.

Cela aussi est difficile à « comprendre » pour nos sociétés de résultats rapides. Prendre son temps est devenu le luxe de notre époque. Mais c’est, ici, en rêve éveillé libre, ce qui favorise notre ancrage profond.

5. La surprise : l’expérience poétique de la symbolique du réel

Certains courants thérapeutiques privilégient d’autres approches, plus cognitives ou analytiques. Le rêve éveillé libre propose une voie différente, qui fait une place centrale à la dimension symbolique et poétique.

Beaucoup de patients, de leur côté, sont touchés par la beauté, la profondeur ou la douceur des images qu’ils voient. Ils se relient doucement à eux-même, à un territoire perdu depuis bien trop longtemps. C’est bien là le principal.

Les machicoulis du chemin de ronde de leur mental capitule enfin et ce dernier consent enfin à revenir à sa place d’organisateur et de penseur au service de l’être.

Des personnes qui ont expérimenté principalement des thérapies verbales découvrent souvent ici une dimension corporelle et sensorielle qui leur manquait, même après de longues années d’errance.

Ils revisitent dans leur corps, dans leur sensorialité, un certain nombre d’événements qu’ils connaissaient mentalement (parfois avec une infinité de détails) ; c’est comme si le mental, ayant maintenant retrouver sa juste place, ne pouvait plus bâillonner les sentiments réels qui s’expriment enfin au grand jour.

« Je ne pensais pas en être encore là ! Je croyais en avoir terminé avec cette relation difficile et l’avoir comprise, décodée. Mais je ne pensais pas que je contenais encore tous ces sentiments, toutes ces émotions… que j’étais resté.e coincés dedans. »

Encore une phrase courant dans nos cabinets. Après des années de thérapie qui leur ont appris à décortiquer les événements de leur vie, la Vie s’insuffle enfin dans leur veine.

Le rêve éveillé libre est un espace thérapeutique mais aussi esthétique et spirituel, au sens de reliance. L’âme y retrouve les chemins de la terre et nourrit celui-ci du flot vital.

Se comporter comme si les dimension esthétiques et spirituelle de l’être n’avaient pas leur place en thérapie est dommageable ; c’est amputer la personne d’une part considérable de son être, une part nourrissante et fertile. Le thérapeute, en rêve éveillé libre, n’a pas peur d’être à l’écoute de cette partie intime de leur patient.e.s.

6. Donner à sentir la différence : ce n’est pas une thérapie comme les autres

Ce que le rêve éveillé libre n’est pas et ne sera jamais :

  • Ce n’est pas une thérapie par le mental, mais par le symbole, vivant, incarné, fertile, riche, infini…
  • Ce n’est pas une analyse verbale classique. Le rêve éveillé libre n’est pas une thérapie que l’on « fait » ; c’est une expérience de vie que l’on traverse, faisant ressentir ses effets même longtemps après.
  • Ce n’est pas une rêverie de plus dans le monde des Bisounours ; c’est puissant comme la Vie.
  • Ce n’est pas un décryptage, mais un déploiement de l’être. Ce n’est pas une méthode où l’on impose une interprétation ou un chemin : une méthode à appliquer, un cadre rigide, un exercice d’interprétation. Il n’y a ni bonnes ni mauvaises images, ni grille de lecture à imposer. Il y a seulement la rencontre entre deux présences : celle du rêveur et celle du thérapeute. Le rêve fait le reste.
  • Le rêve éveillé libre n’est pas un parcours codifié : il est une expérience personnelle, unique et vivante.

Laissez votre curiosité faire le reste.

Bibliographie

Romey, G. (2019). Dictionnaire encyclopédique de la symbolique des rêves. Éditions Quintessence.

Le rêve éveillé, pour qui ?

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Un article sur l'obligation de thérapie, comme gage de sérieux

  1. Les situations évoquées dans cet article s’inspirent de ma pratique clinique. Elles ont été anonymisées et recomposées de manière à préserver pleinement la confidentialité des personnes accompagnées.

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